Entretien avec Ingrid Hayes -militante NPA-

Publié le par NPA Nancy Comité Manufacture

"L'enjeu, c'est que la séquence sociale actuelle soit dignement représentée dans les européennes"
Rencontre, à un mois des élections européennes, avec Ingrid Hayes, 33 ans, élue à la direction du NPA lors du congrès de fondation de la nouvelle formation et membre de son Comité exécutif.
Militante dans le XXème arrondissement de Paris, professeur d’histoire-géographie dans un collège de La Courneuve, elle est doctorante en histoire sociale.

 

Nous nous connaissons peu mais le tutoiement s’installe aussitôt.

 

JRV : Tout d’abord, comment analyses-tu la crise économique et sociale qui frappe durement des dizaines de millions de salariés, de jeunes et de retraités de par le monde et dans notre pays ?

Ingrid : Il ne s’agit pas, comme on voudrait nous le faire croire, d’une crise d’une version « hard » du capitalisme, parasité par la finance. Au-delà de la bulle financière et immobilière, c’est la logique même du système qui produit une crise profonde et durable, une crise de surproduction liée à la baisse de la part des salaires dans le partage de la valeur ajoutée et qui se combine à la crise environnementale. Au-delà des discours hypocrites sur la « moralisation » ou la « régulation » du système, les gouvernements et les patrons des pays les plus riches sont engagés dans une fuite en avant pour sauver à tout prix leurs profits. Pourtant, à accorder des milliards d’euros ou de dollars aux banquiers et aux financiers qui sont responsables de la crise, on ne fait qu’aggraver le problème. Toute la logique consiste à faire payer la crise aux salarié-es, à la grande majorité de la population, qui n’en sont aucunement responsables : la machine à purger est en route, et cela signifie plus de licenciements, de chômage et de misère.

A l’inverse de cette logique de pompier pyromane, seule une alternative radicale, anticapitaliste peut permettre d’en sortir en changeant de logiciel, notamment en mettant le système bancaire sous contrôle de la population, en interdisant les licenciements de manière à reprendre le contrôle du marché du travail, en augmentant les salaires, pensions, retraites et minima sociaux.

JRV : Des mobilisations sociales nationales ont eu lieu, d’autres sont en préparation. Sont-elles à la hauteur des enjeux ? Comment faire reculer ce pouvoir ?

Ingrid : Le premier aspect c’est le caractère lui aussi profond et durable de la colère sociale. C’était un des enjeux de la période : est-ce que les capacités de résistance de la population allaient être anéanties par la crise ? A l’évidence, ça n’est pas le cas. Et c’est la force de cette colère qui a fait le succès des journées du 29 janvier, du 19 mars, et, à une autre échelle, la réussite du premier mai. Pourtant, on peut s’interroger sur la stratégie des confédérations syndicales : construit-on un mouvement durable et victorieux de cette façon, sans perspective de mobilisation sur la durée, sans même de revendications concrètes ? Il est pourtant clair qu’il est plus que temps de passer à la vitesse supérieure. C’est en faisant converger les mobilisations autour de revendications claires comme l'interdiction des licenciements, l'augmentation générale des salaires, des retraites et des minima sociaux de 300 euros nets en prenant sur les profits, en allant vers la coordination des luttes des salariés qui se battent isolément contre les licenciements, bref en faisant monter la pression qu’on pourra espérer faire reculer le gouvernement. C’est bien une grève générale qu’il faut préparer, même si elle ne se décrète pas, pour arrêter la machine jusqu’à satisfaction des revendications, comme aux Antilles.

JRV : En pleine crise mondiale du capitalisme, nous allons, dans quelques semaines, voter pour élire des eurodéputés. Comment le NPA aborde-t-il ce scrutin ?

Ingrid : Pour le NPA, il s’agit d’une échéance très importante, pour trois raisons principales. D’abord, il s’agit de la première campagne électorale de cette nouvelle formation politique, c’est donc un test pour nous, pas tellement en termes de résultat, même si nous aimerions qu’il reflète au mieux le poids du NPA dans la situation politique, mais surtout en termes de dynamique collective, de capacité à défendre toutes et tous ensemble des revendications, un programme global. Il se trouve surtout que ces échéances se déroulent dans un contexte de crise économique et sociale qui implique la nécessité de proposer un plan anti-crise, et, pour ce qui nous concerne, un plan de sortie anticapitaliste de la crise, le seul vraiment réaliste. C’est donc une occasion d’avancer nos propositions, de les populariser, de les rendre crédibles. Il se trouve enfin que ces élections s’inscrivent aussi dans un contexte de mobilisation sociale. L’enjeu, c’est que la séquence sociale actuelle soit dignement représentée dans cette campagne : il n’y a pas de déconnexion entre les deux. C’est ce lien là qui me semble constituer le cœur de notre campagne.

JRV : A la gauche du PS, il n’a pas été possible d’aboutir à une « liste unie des anticapitalistes ». Peux-tu nous rappeler pourquoi il en est ainsi ?

Ingrid : La raison en est finalement assez simple, et il ne s’agit pas, comme on l’a beaucoup entendu, d’imputer cet échec à une stratégie boutiquière, identitaire, ou à une option basée sur la popularité, bien réelle, d’un porte-parole. Pour nous, il ne s’agissait pas de réaliser un coup électoral aux Européennes, élection à un tour dans laquelle la question des alliances ne se pose pas, suscitant un espoir qui irait tout droit se fracasser sur les récifs des élections régionales en mars 2010. Les années impaires sans le PS et les années paires avec ? Assez de succès sans lendemain ! Nous avions donc demandé que cet accord soit aussi ancré dans les mobilisations, et qu’on lie les deux élections consécutives dans une même volonté d’affirmer une gauche réellement indépendante du PS. Nous n’avons pu obtenir cet engagement de l’alliance PCF-PG. Mais les choses ne sont pas fermées : les Alternatifs ont longuement hésité à faire liste commune avec nous, peut-être que ce sera possible dans un proche avenir, avec eux comme avec d’autres ?

JRV : Trois bonnes raisons de voter pour les listes du NPA ?

Ingrid : Voter pour le NPA, c’est voter contre Sarkozy, contre la droite dont la politique a mené à la catastrophe, mais en se démarquant clairement d’un PS qui a choisi de défendre le système. Toutes les autres « grandes listes », à des degrés divers, ont contribué à cette « Europe sauvage » qu’elles dénoncent soudainement !

C’est avoir, demain, des eurodéputé-esinscrit-es concrètement dans les mobilisations actuelles, contre le chômage, pour la défense des services publics, pour une rupture radicale avec une politique environnementale qui mène la planète à la catastrophe, pour l’égalité des droits.

C'est aussi affirmer l'urgence d'une autre Europe que celle de la finance, de la marchandisation, du chômage, des bas-salaires et de la dérégulation sauvage qui a été construite dans le dos des peuples. C'est se prononcer pour une Europe écologiste de la solidarité sociale à l'instar d'autres listes, similaires aux nôtres, qui se présentent dans plusieurs autres pays de l'UE, dessinant, ainsi, une gauche anticapitaliste à l’échelon européen.

Article de Médiapart : link



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